Hiérarchie en opposition 2
Il est une situation répandue dans le monde du travail : l’opposition entre deux échelons hiérarchiques. Vous, simple employé, êtes pris entre deux supérieurs. Peut-être vous donnent-ils des ordres différents ou opposés, l’ordre de l’un annulant celui de l’autre et vice-versa.
Dans le premier article sur ce sujet : Hiérarchie en opposition (1), nous avons suggéré deux exemples de comportement. Pour aller plus loin, vous pouvez aussi utiliser d’autres techniques :
La technique de l’espion
Souvenez-vous, dans un environnement de travail, comme dans la vie en communauté, les groupes relèvent de l’homomorphisme : chaque membre du groupe compte et apporte au tout. Le revenu d’une entreprise est la conséquence directe de ce travail dans l’unité et le complément. Demandez-vous ce qu’apportent ces deux managers à l’entreprise et de quelle manière. Prenez le bon (vous pouvez même l’imiter car dans la vie il n’y a pas que des créateurs mais aussi des suiveurs capables de s’accaparer les techniques relationnelles des autres et de les améliorer). Essayez d’apprendre du conflit plutôt que de le vivre comme une guerre ouverte, vivez-le dans la peau d’un “espion”, d’un bon observateur, qui est là pour recueillir le meilleur seulement.
La technique de l’homme invisible
Quelqu’un vous bouscule dans le couloir ? Si vous êtes un être humain, vous réagissez. S’ensuivra une dispute, une explication, une insulte etc. Du temps perdu ! Mais si vous êtes “invisible”, vous ne vous arrêtez même pas ! Vous n’avez rien senti ! Vous gardez votre temps (précieux) et votre calme (nécessaire à une vie paisible et à la santé). La technique de l’homme invisible consiste à vous rendre distant dès que vous repérez un manque de respect. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’homme ne réagit pas de manière constructive à l’attaque ni à la violence. Dans ce type de situation, il réagit plus positivement à l’absence, à l’indifférence. Le silence est d’or
… Silence et transparence seront vos armes. Cela ne veut pas dire qu’il faille pour autant vous laisser écraser en silence mais plutôt conserver vos meilleures cartes pour la suite, en toute discrétion.
Concrètement :
Si vous vous entendiez bien auparavant avec l’un des deux hiérarchiques et que la situation s’est envenimée, reprenez immédiatement vos cartes ! Reprenez avec lui un langage plus poli, plus courtois et distancié. N’hésitez pas à remplacer le “A+” du bas d’e-mail par un “cordialement” plus professionnel. Quand vous lui téléphonez, annoncez-vous comme si vous étiez un interlocuteur inconnu. “Bonjour Monsieur untel, ici Monsieur untel au 06 10 00 00 00”. Cela montrera en toute politesse que vous restez dans la neutralité. Que vous maîtrisez la situation.
Un peu de psycho :
Les gens qui se voient en adversaire de tout le monde ont souvent une crainte majeure occultée (celui-là est-il plus beau, plus jeune, plus dynamique, plus intelligent que moi? Aura-t-il ma place et ma peau avec ? Comment vais-je payer mon crédit s’il me pique mon poste ?). Si la communication n’est pas trop mauvaise, essayez de savoir quelle crainte cache le comportement car il y en a une, forcément. Ce sera peut-être l’occasion de faire de l’adversaire un allié…
Le 26 février 2011
En 2002, j’ai été employée comme assistante dans une structure d’Ecoute Jeunesse (associatif) indépendante mais en majeure partie subventionnée par une mairie. Les membres du bureau étaient donc presque tous issus de la mairie, qui nous avait d’ailleurs fourni les locaux.
J’avais deux supérieurs. L’une occupait la fonction de psychologue et directrice, l’autre celui d’éducateur. L’accueil a été anormalement chaleureux. Je crois maintenant que tous les deux essayaient de me gagner à leur cause. Puis très vite, au bout d’un mois et demi, les problèmes sont apparus. Le supérieur psychologue ne cessait de répéter que l’autre n’était « qu’un éducateur » et que décidément c’était un second psychologue qu’il faudrait à sa place.
L’éducateur était plutôt « cool » dans son travail, bien que très compétent, avec un fort sens du relationnel. La directrice était, quant à elle, totalement dans le pouvoir et dans l’expression directe du pouvoir auprès de ses salariés. Elle ne supportait pas bien les hommes et avait du mal à collaborer avec eux. Elle avoua, un jour de déprime, que l’image qu’elle avait de son propre père était affligeante… En attendant, elle me demandait de faire des choses, l’autre me demandait l’inverse, non pour me blesser directement mais pour prendre le pouvoir sur elle et pouvoir valoriser ses idées auprès des membres du bureau dont l’avis semblait définitivement prioritaire sur tout le reste. Bientôt la directrice me demanda d’espionner son collaborateur, de le suivre et même de tout noter dans l’agenda (y compris la durée des pauses toilettes !). Cela tournait à l’obsession. Lui, n’hésitait pas à dire à tous ceux qui voulaient l’entendre à quel point il souffrait de cette situation : « Untel m’a fait beaucoup de mal… » Il pleurait auprès des visiteurs. Bref, la situation était ingérable. Lorsque la Directrice me demanda d’accuser devant le bureau son collègue de tous les maux, je restai impassible. J’avais choisi de rester neutre mais elle me poussa à bout en étant violente et cassante dans ses propos. Finalement je pris – et c’est naturel – la défense du plus sympa et bien sûr de celui que je trouvais le plus « faible » dans cette situation.
Les choses se mirent à empirer. Le collaborateur fut « viré » sous prétexte d’une faute professionnelle grave inventée de toutes pièces tant les membres du bureau craignaient les colères de la Directrice. Nous nous retrouvions donc à gérer toutes les deux la structure pendant 3 ou 4 mois. Et là ce fut la catastrophe. Elle avait vraiment besoin de torturer quelqu’un et comme il ne restait que moi… Le peu d’employés qui furent engagés (stagiaires, femme de ménage) finirent par se disputer avec elle et à rendre leur tablier. J’étais psychologiquement épuisée, n’ayant plus l’impression d’aider et d’écouter les gens (ma mission première) étant moi-même moralement dans un état déplorable… J’en référais alors aux membres du bureau. Elle fut convoquée et remise à sa place mais très vite elle commença alors à se plaindre de moi auprès d’eux. Comme j’étais moralement faible je commençai à avoir de nombreuses absences. Mon médecin voulut même me prescrire des antidépresseurs que je ne pris pas car j’ai la conviction que les médicaments de ce type ne sont que des leurres. Quand les membres du bureau, lassés, finirent par me considérer comme une « faible », une fille dépressive qui ne supporte pas la critique, je décidai de réagir.
Cette femme ne serait pas gagnante et elle ne me pourrirait plus la vie. Je fonçais chez un psychologue avec qui je fis le point sur mes divers talents (rédaction, dessin, photographie, sens du relationnel et de la communication) mais aussi sur mes envies (écrire davantage, faire du journalisme, reprendre des études plus intellectuelles). Puis il m’aida à déterminer une stratégie. Cette femme me dévalorisait depuis 6 mois et semblait gagner en force quand moi je m’affaiblissais. Quand je craquais moralement, quand je lui parlais gentiment ou méchamment, rien n’y faisait. Il fallait trouver son point sensible pour qu’elle me lâche enfin et surtout le psychologue m’avait indiqué que je devais absolument retrouver ma confiance en moi. Son point faible était, d’après mon psy, l’orgueil. Elle ne supporterait pas le fait que je veuille m’élever intellectuellement et que je lui démontre, en plus, que j’en étais capable et que cela n’était pas une lubie. Moi qui suis chrétienne je décidais de me rapprocher davantage de Dieu, alors que visiblement il ne m’entendait pas depuis des mois… Le fait d’avoir contacté les membres du bureau ne m’avait pas aidé, c’était pire qu’avant. Je décidais alors de reprendre des études et de le faire savoir à ma Directrice. Je laissais négligemment trainer mon dossier d’inscription de la faculté (une faculté à 400 kms de chez moi…) sur le bureau. Elle commença à croire que je voulais partir et commença à se calmer un peu. Puis je commençais à passer toutes mes pauses déjeuners au bureau à lire de nombreux ouvrages qui m’aideraient pour mes nouvelles études. Il va sans dire que d’un seul coup elle fut prise de panique, se disant qu’elle perdrait toute crédibilité auprès des membres du bureau si je démissionnais moi aussi. Mais j’allais alors plus loin : je refusais la formation qu’elle me proposait (une formation d’animatrice en arts plastiques) sous prétexte que je comptais obtenir un bien meilleur diplôme pour accéder à un poste bien plus important. C’est elle qui commença alors à déprimer. Je lui dis ouvertement que le diplôme choisi était considéré comme « la voie royale » pour faire carrière dans de nombreux domaines prestigieux. J’étais allée un peu loin mais au moins elle commençait à me prendre au sérieux. Puis comme cela fonctionnait bien je commençais à me rendre à toutes sortes de conférences dans le but de me changer les idées. Je fis de belles rencontres et toutes m’encouragèrent à ne voir cette étape que comme un passage initiatique pour « aller plus haut », une étape à franchir. Quelques mois plus tard, très épanouie de mes nouvelles études et de mes nouveaux projets, je passais un entretien « d’entraïnement » en hôpital. Je décrochais un poste mieux payé, qui correspondait davantage à mes attentes et qui, en plus, me laissait mes matinées pour travailler mes cours à la bibliothèque. Elle fut très vexée lorsque j’annonçais mon départ. Elle exigea une preuve d’embauche ailleurs (selon ce qui était préconisé avec mon type de contrat). Quand elle vit que j’étais engagée dans un hôpital, elle fit une crise de jalousie en disant que c’était « une honte » d’engager des gens comme moi dans le public (elle-même n’était pas arrivée à trouver de poste en hôpital, ce qu’elle désirait, je le sus plus tard).
Je ne dis pas que ce que j’ai vécu est idéal. Résister m’a valu de nombreux maux (fatigue, stress.) mais au moins j’ai atteint mon objectif de ne pas démissionner sans un autre poste obtenu. Après mon départ elle resta en poste un an puis fut priée de démissionner à son tour. Ses nombreuses fautes furent pointées du doigt et la démission de tous les employés ajouta à ses « charges ». Petite anecdote : pour pouvoir la licencier les fameux membres du bureau me contactèrent pour avoir mon témoignage contre elle ! Eux qui ne m’avaient jamais aidée mais même pire enfoncée, demandaient maintenant mon aide pour les débarrasser d’elle définitivement ! Bien entendu, je refusais car j’étais alors enceinte de 6 mois et je ne comptais pas me stresser pour eux. Le passé étant alors pour moi loin derrière. Je crois qu’en cas de souffrance morale de ce type, il est judicieux de se recentrer sur soi-même. Il faut savoir lâcher prise et accepter tout ce qui est bon à rebooster sa confiance en soi.